HARVARD UNIVERSITY
LIBRARY OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOÔLOGY
GIFT OF THOMAS BARBOUR
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ICHTHYOLOGIE
ou
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HISTOIRE NATURELLE
DES POISSONS.
TROISIÈME PARTIE,
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ICHTHYOLOGIE
OU
HISTOIRE NATURELLE
DES POISSONS.
EN SIX PARTIES
AVEC 2 1 6 PLANCHES
DESSINEES ET ENLUMINEES d'APrÈs NATURE.
PAR
MARC ÉLIÉSER ©LOCH ,
Docteur en médecine; Membre de la Société des Scrutateurs de la Kature de Berlin, de celles de Dautzig, Halle, Ziirich, Londre; de l'Académie impériale; des Académies des Sciences de Gottingen, Franc, fort sur rOder, Harlem, Utrecht, Vliesingen et Mayeuc^; de la Société économique de St. Pétersbourg, de celles de Leipzig, de
Bavière et de Zelle.
TROISIEME PARTIE.
A BERLIN,
CHEZ l'aUTEU«, et en Commission chez Bolim, Libraire à Leipzig.
1796.
ILES PERCE -PIERRES. 593
XlXme Genre.
LES PEKCE-PIÏIRRES.
Blennîus»
ARTICIiE PREMIER.
Des Perce-pierres en gênerai.
Là naojeoire du vehtre à deux rayons. Pisces, -pinnis ventralibus didactylis,
Blennius» Linn, gen. 155. lis. 78.
Artcd. gen. 22. App. Bleunus. Klein. V. 31. En-
phycis. 84. Pliolis dielyopus. IV. 57,
Syn. 116. Le Perce-pierre ou Coquil-
— Grouov. ZoopK 75. lade. Goùan. gen, 7,
Enclielyopus, 77. Plio- Blenny. Penn, gen, 20.
JLjes deux rayons simples de la nageoire du ventre, sont un caractère distinctif des poissons
de ce genre.
La tête est petite, unie, et comprimée. Louverture de la bouche est petite, et la gor- o^e grosse. Les yeux sont placés au sommet de la tête; ils sont petits, s aillans,, et recouverts
pp
504
ILES PERCE -PIERRES.
d'une membrane clygna tante. Les opercules des ouïes sont épais, et consistent en deux pe- tites lames. La membrane des ouïes est déga- gée et appuyée sur 4. — 7 rayons. Le tront a sept nageoires, et est comprimé: dans la plu- part, la ligne latérale est courbée. Le dos est droit et garni tantôt d'une seule nageoire, tan- tôt de deux. L'anus est près qu'au milieu du corps.
Les poissons de ce genre, à l'exception de quelques-uns, habitent les mers. Ils ne par- viennent pas à une grosseur considérable. Ils vivent des petits des autres poissons, d'insectes de mer et de vers. Les Grecs et les Romains ne paroissent avoir connu de ce genre que la cépolc a), la inoulette hj et le -perce -j>ierre cj, Bellon décrit la coquillade de mer d) et la gatto- rugine ej ; Schoneveld la lotc vivipare f) et le papillon de mer gj, et Willughhy le lumpen hj\ ce qui fait en tout huit espèces, qui ont été traitées dans les anciens ichtyologistes sous dif- férentes dénominations ij, Artédi en fit un genre, sous le nom de blennius; et il décrit particulièrement le perce -pieiTC sous le nom de
a) Blennius ocellaris.
h) e)
phycis.
pliolis.
galerita.
gattorugine,
vivipaïus.
«) Blennius gunellus.
Il) — lumpen us.
i) Comme: Blennius, mu- stela, alauda , galerita, pliycis, pholi* et gatto- l'ugine.
I.ES PERCE - PIERRES. gg,
pholîs, et la inoulette sous celui de phyds h). Piso nous fit connoître une IJ, et Linné 4 espè-' ces rnj. Après cela Brunniche nj, Strôm o), O. Fabricius pj, Moor qj , Schoepf rj. Palan nous en firent connoître chacun une s), et Sujef deux espèces tj. Enfin, les Muséum de Gro- nov uj et de Séla ocj paroissent aussi contenir quelques espèces inconnues. Toutes ces espèces ensemble en font dix -sept, dont trois habitent la mer et la Baltique. Je me bornerai à de'- crire ici ces trois espèces.
IIO.
A) Syn. 44. III. 116.
l) P.maru. Ind. 66. Bl. cùsta- 9) Teis. 2Q. Ze«palm.>.
tus.
. „, '") Schrift. Ylll. 142.
m) BI. cornutus, supercilio. s) lutrod. LiOrycto^rr.Arao-
^us^, mustelaris, et rani- 0 Bl. nniraenoides et simuï
\^^i' 1 . N.Act.petrop. 177g. 195.
n) Bl. tentacularis. Mass.i26, u) I. 52. IL 21.
o) - fusc.is. Sondm. 522. x) Thes. IIL t! 30. p) — puactatus. Groenl. n.
Pp 2
596 LE PERCE - P1£KK£.
ARTICI.E SECOND.
JDes Percer-pierres en -particulier.
t LE P E R C E - P I E R R E.
Blennius Pholis, rj imc Planche. Fi g. 2.
Les narines cylindriques et dentelées. Blennius naribus tubulosis viinbriatisque, B. vu* P. xzf. f^, II. A. xjx. G X. JD. Kxviii,
Blennius Pholis. Linn. 442. The Smooth Blenny. Penn.
n. 8- Artéd. Syn. 45. n. 4. 203. n. 93. pi. 37.
Gronov. Zooph. n. 259.
■ les narines, cylindriques et dentelées, distin- guent ce poisson des autres poissons de ce genre.
La tête est grosse, et tronquée par devant. . L'ouverture de la bouche est large , et les mâ- choires, dont la supérieure avance sur l'infé- rieure, sont garnies d'une rangée de dents. Les
EE PERCE -PIERRE. ^97
lèvres sont grosses. La langue est unie, et le palais rude. La ligne latérale forme une cour- bure derrière les nageoires pectorales. La na- geoire dorsale, qui est longue, paroît être par- tagée au milieu en deux parties. Tous les rayons de ce poisson sont extraordinairement épais et forts.
Le perce -pierre qui étoit connu ^Aiistote, est habitant de la mer du Nord et de la Médi- terranée, où il se tient sur le rivage et aux em- bouchures des fleuves , entre les pierres et les plantes marines. Ceux que je décris me sont venus de Heiligeland. Ils parviennent à la lon- gueur de 7 — 8 pouces. Ils vivent de frai, des petits des autres poissons et d'écrév^sses. Ils se remuent vivement, et ont la vie très -dure. Selon Piciy, on peut garder ce poisson en vie pendant 124. heures hors de l'eau q^. On le prend au filet et à l'hameçon. Sa chair est peu estimée, parce qu'elle est dure et sèche, et l'on s'en sert d'appât pour prendre les autres poissons.
Le foie est gros, jaune, et consiste en deux lobes, dont l'un est aussi long que la ca- vité du ventre. La rate est rougeâtre, le Hel aqueux, l'estomac oblong, le canal intestinal court, et formant deux courbures. Les ro- gnons qui sont jaimes et petits, ne tiennent
a) Syiiops. 165.
598 I-E PERCE -PIERRE.
que par une peau qui est attachée à l'épine du dos.
Ce poisson est connu sous diiFérens noms. On le nomme: Seegrundel et rneerlerche, en Allemagne; spitzkopfy en Empire; bulcardy mulgranoc - bulcarcl et smooth - bleny , en Angle- terre; -perce -pierre, en France.
C'est à Rondelet que nous devons le pre- mier dessin de ce poisson h). Je n'examinerai point si, comme le dit Aristote cj^ ce poisson rend assez de matière visqueuse pour s'y cacher comme dans un filet; ni si, comme le disent Ray dj et Fennant ej, il peut avec les nageoi- res molles de son ventre, grimper sur les pier- res unies. Je n'ai pas pu trouver la vésicule aérienne que fVillughbyfJ donne à ce poisson; ni les rayons à piquants que Linné gj remarque à la nageoire dorsale.
h) H. d. P. I. 172. , e)B.Z. III. 20g.
c) L. 9. c. 37. /) Iclith. 134. {
d) Synops. 73- ë^ S. N. 443. n. g.
tE PAPILLON DE MER. 599
H.
LE PAPILLON DE MER.
Blennius Gunellus.
tyime Planche. Fi g. i.
Plusieurs taches rondes à la nao:eoire dorsale. Blennius ocellis plurimis in pinna dorsi,
B, ri. P. X. J^, II, A. — . C.xnii. I>.ixxriii.
XJLl
Blennius Gunellus. Linn. The Spotted-Blenny. Penn. 442. n. 9. Artéd. Syn. 45. 210. n. 95. pi. 55.
n. 5. Gronov.Zoopli. n, 367.
X-ia nageoire dorsale parsemée de plusieurs ta- ches noires et rondes, entourées d'un anneau blanc, distingue de papillon de mer des autres poissons du même genre. Ces taches sont au nombre de 9 — • 12.
Dans ce poisson, la tête, ainsi que les na- geoires de la poitrine et du ventre, sont extrê- mement petites, et le corps est très - comprime. La bouche, qui s'ouvre par en haut, est petite. La mâchoire inférieure est recourbée et saillan- te, et l'une et l'autre est garnie d'une rangée de petites dents pointues. Le tronc est couvert
600 I;E PAPILLON DE MER.
de petites écailles. La ligne latérale, qiii est à peine visible, a une direction droite au milieu du corps. L'anus est un peu plus près de la tête que de la queue. Les rayons de la nageoi- re du dos sont piquants , et dans celle de l'anus les deux premiers sont de même nature.
Nous trouvons ce poisson dans la mer du Nord et dans la Baltique, et je l'ai reçu de Hambourg et de Lubeck. Il parvient à la longueur de 9 — 10 pouces, et se tient près des bords dans les plantes marines, où les pe- tits des insectes aquatiques et les oeufs des pois- sons lui servent de nourriture. Il devient sou- vent la proie du scorpion de mer, des autres poissons de rivage et des oiseaux a quatiques. On le prend dans les filets avec It^s autres pois- sons. Mais ayant la chair dure, les gens du peuple ne s'en soucient même pas : on ne s'en sert que pour appât. Cependant les Groeiilan- dois le sèchent, et le mangent avec leurs sau- mons du Nord. Il nage avec rapidité, est . aussi glissant que l'anguille, et sa nageoire dorsale étant en même tems très -piquante, on peut difficilement le tenir dans la mains sans se blesser.
Le foie qui consiste en deux lobes longs, étoit d'un rouge pâle ; le canal intestinal mince, large, court, et alloit en serpentant. Dans les deux poissons que j'ai ouverts, je
XE PAPILLON DE MER. ;6oi
n'ai apperçu ni laites, ni oeufs, ni vésicule aérienne.
Ce poisson est connu sous difFerens noms. On le nomme: Butterfisch, en Allemagne; ww- nogguy à Heiligeland; guulagdg, snôvdolk, enNorwège; kurksaunak, en Groenlande; stn^ gosh, en Laponie; smôrkussa, en Suède; ske- ria-steinhitr, spretfish, en Islande; guneîlus et butterfish, en Angleterre; papillon de mer, en France.
Je crois que Linné n'a pas fixe exactement les taches noires de la nageoire dorsale, en di- sant quelles sont au nombre de dix; car j'en ai trouve neuf dans quelques-uns; Pennant qj en a vu onze, et O. Fabricius douze hj,
Wîllughby cj, Ptay d) et Artédi e) croient que Vophidion imberbe de Sclioneveld est une espèce de donzelU] mais on peut voir par la de- scription de cet auteur/;, que ce n'est d'autre chose que notre poisson.
a) B. Z. III. 210. ^) Syij. 1^^.
h) Faun. 150, ^) — ^.^. n. 5.
0 Ichth. 115. j^ Ichth. 144.
602 I.A LOTE VIVIPARE.
m.
LA L O T E VIVIPARE,
Blennius viviparus»
rjQ.T^ Planche.
Des taches noires à la nageoire du dos. B. rii. P. XX. V. II. A* C. et D. cxLFiii.
Blennius viviparus. Linn. n. 265. Klein. IV. 57* n. 12.
442. n. 11. Artéd. Syn. 45. t. 15.
n. 7. Tlie Viviparous Blenny.
Enchelyopus. Gron. Zoopli. Penn. 211. n. 94. pi. 37.
JLjes tacTies noires, qu'on voit à la nageoire du dos, sont le caractère distinctif de ce poisson.
La tête et l'ouverture de la bouche sont petites. La mâchoire supérieure avance sur l'inférieure: toutes deux garnies de petites dents. La langue est courte et unie. A l'é- sophage, on trouve deux os rudes, qui ser- vent à retenir la proie. Le ventre est court, avancé, et l'anus large. Le tronc est couvert de petites écailles longues, blanches et bordées de noir. Lçs rayons de toutes les nageoires
iA ILOTE riVIPARE. 603
sont mous. La ligne latérale, qui est à peine visible, s'étend au milieu du corps dans une direction droite.
Ce poisson habite la Baltique et la mer du Nord. On le trouve aussi dans l'Océan septen- trional. Celui que je représente ici avoit quin- ze pouces de long; le ventre étoit gros, et con- tenoit 200 petits. De six de ces poissons que j'ai ouverts , il n'y en avoit que deux de pleins. Je n'ai trouvé dans aucun la moindre trace de laites; je doute même qu'on leur en ait jamais trouvé. J'invite au nom des personnes, qui aiment l'histoire naturelle, les naturalistes qui habitent les bords de la mer où l'on pêche ce poisson, de faire des observations sur cet objet, et d'en publier le résultat; cela répandroit beau- coup de lumière sur la génération des autres poissons vivipares. Dans ces observations, il faudroit examiner aussi, si ce poisson n'est pas du nombre des animaux qui inettent bas plu- sieurs fois par an : car ScJionevelcl dit qu'il fait ses petits en Eté qj; Pennant en hiver b)y et Beck c) assure d'avoir trouvé des petits dans son corps en automne. Les oeufs qui commen- cent à se développer au printems, ont, selon l'observation de Schoneveld, la grosseur d'un grain de chenevis vers la Pentecôte. Dans le tems qu'il met bas, ce qui arrive vers le mois
a) Ichth. 49. h) B. Z. III. 211. c) Schwed. Abli.X. 45.
604 I-A LOTE VIVIPARE.
de Juin, le ventre enfle si fort, que pour peu qu'on le touche, 'les petits poissons en sortent les uns après les autres, et témoignent la joie qu'ils ont de leur existence par des mouvemens pleins de vivacité. Il sembleroit que les petits dans une seule matrice, devroient se blesser mutuellement dans la vivacité de leurs mouve- mens; mais comme chacun d'eux est enfermé dans un oeuf particulier, et nage dans l'humi- dité, son mouvement ne peut nuire à ses voi- sins. Mais quel tumulte dans le ventre d'une mère, oii 200 — 300 petits se remuent sans cesse et tachent de sortir de leur prison. Les nouveaux -nés sont de la grosseur indiquée à la planche. La lote vivipare se tient au fond de la mer, où elle vit de petites écrévisses, que j'ai trouvées en quantité dans son estomac. Elle mord à l'hameçon , et on la prend aussi au lilet. Sa cliair est grasse, blanche et a peu d'arrêtés. Comme on li'en fait pas grand cas, il n'y a que les gens du peuple qui la mangent; Certaine- ment le préjugé contribue beaucoup à faire mé- priser ce poisson; parce que dans la cuisson ses arrêtes devienpent vertes comme il arrive à l'or- phie. Selon les observations de Idnné, ces ar- rêtes rendent une lumière dans l'obscurité, com- nie le bois pourri d). Ce poisson a pour enne- mis les animaux voraces des eaux.
d) Westg- pLcis. aïo. . •
LA LOTE VIVIPAKE. 605
Les parties intérieures sont visiblement dif- férentes de celles des autres poissons. Le canal intestinal n'étoit pas placé en long, mais en tra- vers , comme dans les vi\4pares ; il alloit en ser- pentant et formant des courbures. L'estomac, la vésicule du fiel et celle de la vessie, sont minces et transparens. Le duodène, qui com- mence au milieu de l'estomac, descendoit dans la longueur d'un pouce, et remontoit ensuite. Les deux lobes du foie n'étoient pas fort longs; mais la rate étoit aussi longue que la cavité du ventre. La vésicule du fiel étoit pleine d'un fiel clair. Les rognons, qui étoient dégagés, n'a voient qu'un pouce de long. J'ai trouvé cent vertèbres à l'épine du dos; mais je n'ai apperçu ni côteS, ni vésicule aérienne.
Ce poisson est connu sous dilFérens noms. On le nomme: Aahnutter, aalcjuab, aalputy en Allemagne; aale-quahbe, anle-hona, aale-rnO" deVy aalfraUy en Dannemarc; brun-og, inôrk- ■plettet, tang'brosrne, steen-brosme, enNorwège; tànglakey en Suède; pilatus-visje, en Hollande; jîiagaalf quabaal, à Harderwick; rnaggc, en Frise; gujfer, viviparous^blenny et eelpout, en Angleterre; et lote vivipare, en France.
Schoneveld se trompe, quand il dit que ce poisson n'a point de dents, et que la nageoire du dos est séparée de celle de la queue e), e) Iclitli. 4g.
6o6 LA LOTE VIVIPARE.
Comme ce poisson a des rayons mous aux na- geoires, c'est à tort quJrtédi le met au nom- bre de ses poissons à piquans/). Selon sa di- vision, il appartient à la classe des poissons à rayons mous g) Quand Gronov demande si notre poisson est le même que Vophidion bar- batiim âe Ray h), on peut lui répondre négati- vement. Linné s'étonne avec raison, que ce poisson ait la qualité singulière de produire ses ptîtits tout vivans : cependant il n'est pas le seul qui la possède; elle lui est commune avec le •percer-pierre de l'Inde i), Yascitc et la loche de Surinam A).
/) Acanthopterj-gii. O Bl. STiperciliosus.
g) Malacopterygii. ^) Cobilis Anableps.
* h) Zoopli. n. .265.
LES ANGUILLES. 607
«
QUATRIEME CLASSE.
LES APODES.
Ajjodes.
XXme Genre. '
LES ANGUILLES.
Muraena,
ARTICLEPREMIER.
Des Anguilles en gênerai.
Le corps en forme de serpent. Pisces cor-pore sevpentif orrai,
Muraena. Linn. gen. 145. raena, 2g.
Artéd. gen, iQ, Gronov, L'Anguille, Goûan, gen. 29,
Zooph, 31, " Eel. Penn, gen. II.
Conger. Klein, III. 16. Mu-
X-jes poissons de ce genre se reconnoîssent à la forme de leur corps, qui ressemble à celle du serpent. Il est long, étroit et rond. Dans tous, il est lisse et couvert d'une matière visqueuse. La bouche est garnie de dents, et la langue est unie.
608 LES ANGUILLES»
Les yeux sont ronds et recouverts d'une mem- brane clygnatante. Les narines sont doubles et cylindriques. L'opercule des ouïes est attaché à la poitrine par une peau, et la membrane des ouïes est soutenue par dix rayons mOUs. Chez quelques-uns, le tronc est garni de quatre na- geoires, et chez d autres seulement de trois; parce que dans ces derniers les nageoires du dos, de la queue et de l'anus sont unies ensem- ble. La murène n'en a qu'une, parce qu'elle n'en a point à la poitrine, et que les autres sont réunies. Les nageoires de la queue et de la poitrine sont petites, et celles du dos et de l'a- nus longues et étroites. La ligne latérale est droite, et l'anus est plus près de la tête que de la queue. Ils vivent de proie, et habitent tous les mers, l'anguille excepté.
Arisbote parle de Y anguille qjy du serpent de mer bj , du inîr cj, du congre dj et de la murène e). Lister nous fit connoître deux des Indes f), Artédi a réuni ces sept espèces en un genre, sous le nom de murhne. Il n'y en a cependant que six; car il omet la dernière de Lister. Après cela Cateshy en décrivit deux^), que Linné ne regarde que comme une variété de la murène h), mais que Klein tient pour
a) Muraena angiiilla. e) Muraena lieleua.
b) — seipcns. /) Willuglib. t. G. 9 et lO,
c) — niyius. g) Caiol. IL 20 et 31»
d) — conger. h) S. N. 425. n. 1.
I-ES ANGUILLES. 609
deux espèces particulières i). Cet écrivain di- vise les anguilles en deux genres A) , et y comp- te douze espèces, parmi lesquelles on trouve la lîiurene sous trois difFérens nombres Z). Ensuite Gronov nous fit connoître deux espèces m), et Linné une n). Mais comme Linné n'admet ni la dernière de Lister^ ni celle de Catesby, ni celle de Gronov ^ il ne donne à ce genre que sept espèces. Après cela Forskael nous en ont fait connoître deux o), et Boddart p) une espèce. Je en possède trois nouvelles espèces, dont je parlerai dans un autre endroit. De toutes ces espèces, nous ne trouvons que l'anguille dans les eaux d'Allemajine.
£) Miss. III. 29. n. 4. 5. 77) M. coeca.
k) Conger et muraena. o) Guttata et cinerea. Descr,
/) Muraena, n, i. 4 et 5. A. 22. 11. i. 2,
m) Zooph. 11, 162 et 165. p) Neue N. B. Il, 55,
6lO I.'ANGUil.l-li.
ARTICLE SECOND.
Des anguilles en 'particulier.
I. L' ANGUILLE.
IMuraena Anguilla,
r^jme P L A N C H £.
Le corps sans tache; la mâchoire inférieure un peu avancée. Muraena cor-porc innnaculato; niaxilln inferiore sub longiore. B. x. P. xrx. ud, C. et D. me.
Muraena Anguilla. Linn. Conger. Klein. JII. 26. n. 5.
426. n. 4« Artéd. Syn. 5g. et 6.
n. 1. Gronov,Zoopli.n,i66. The Eel, Penn. 142, n. i2.
J_je corps sans tache et la mâchoire inférieure avancée, distinguent ce poisson des autres du même genre.
La tête est petite et pointue. A la mâ- choire supérieure, on voit les deux narines cylindriques, et tout près de l'oeil, deux
jl'anguille. 611
autres allongées. L'ouverture de la bouche est petite; les deux mâchoires et le palais sont garnis de plusieurs rangées de petites dents, et l'on apperçoit des petites ouvertures, tant à la mâchoire supérieure qu'à l'inférieure, desquel- les s'exprime une matière visqueuse. La petite ouverture des ouïes a la forme d'un croissant, et est placée tout près de la nageoire pectorale. La peau est très -souple, et garnie d'écaillés longues et molles, qui ne sont visibles que sur l'anguille sèche.
L'anguille forme le passage des poissons aux vipèrQ5, à l'égard de la forme extérieure, du mouvement rampant, du corps visqueux et du sommeil dans lequel elle est ensevelie pen- dant l'hiv-^er; et c'est sûremicnt la raison pour laquelle Homère paroît la retrancher du nom- bre des poissons a). C'est sans doute par la même raison que les Groenlandois ne la man- gent point, et ne s'en servent que de la peau, dont ils font des bourses pour leurs balles de plomb h). Les Romains n'en faisoient non plus aucun cas selon le témoignage de Juvénal c). Les Béotiens au contraire, ^ l'estimoient à tel point, qu'ils l'ornoient de guirlandes, et la sa- criii oient aux Dieux d). Nous trouvons l'an- guille dans presque tous les lacs et rivières. Il
a) Iliad. 1. 21. c) Sat. V.
h) Fabiic, Groenl. 137. d) Pàcht. Iclith. %o^,
Qq fi
6l2 I.' ANGUILLE.
n'y a que deux fleuves en Europe, d'ailleurs très -poissonneux, dans lesquels on ne la trou- ve que rarement; savoir, le Danube e) et le Volga. Selon Pline , elle habite le Gange/), et selon Sloan, la Jamaïque g), Aiistote a re- marque que l'anguille passe des fleuves dans la mer h) ; observation Gonfirmée par Gronov et Richter. Le premier rapporte qu'on la pêche en Hollande dans la mer du Nord i), et le se- cond, qu'au printems, elle aime à passer dans la mer, et qu'on la prend non seulement en quantité dans la Baltique, mais aussi que l'eau salée lui donne un bon goût A). Pendant l'hi- ver, elle se cache dans la bourbe. Au prin- tems, elle quitte le^ lacs, et passe dans les fleu- ves. Chez nous, c'est particulièrement en Mai qu'elle monte dans les fleuves, et dans les lacs qui y répondent. Le bruit des moulins ne l'é- pouvante pas: elle suit l'auge des moulins; ce qui donne occasion aux meuniers de la prendre, par le moyen des poches qu'ils placent derrière les moulins. Dans cette saison, la pèche des anguilles est très - considérable dans plusieurs endroits, sur -tout près de l'embouchure de Schwinemùnde sur la Baltique, et dans les en- virons de roder près du Sonnenboiu'g, Limm-
é) Kram. Elencli. 387. //) N. H. 1. 6. c. 14.
/) N. H. 1. 9. c. 3. i) Mus. I. n. 45.
g) Jamaic. II. 373. . h) Ichtli. 849.
t' ANGUILLE. 613
ritz, Krischitz et Kùstrin. On en prend une si grande quantité dans ces pays, qu'on ne sauroit les débiter fraîches; c'est pourquoi on en fu- me la plus grande partie. On les vend ensuite aux pécheurs étrangers, qui en conduisent des chariots remplis en Saxe, en Silésie etc. Il en vient souvent aux marchés de Berlin 5 — 6 cha- riots à la fois. Elles sont aussi fort communes dans le Jùtland: car un savant de ces contrées dit qu'il y a dans ce pays une anguiilière, où Ton prend quelquefois gooo d'un seul coup, parmi lesquelles il s'en trouve qui pèsent neuf livres et davantage. Cette pèche doit être aussi très-importante en France et en Angleterre. On rapporte que dans la Garonne, on^ en prenoit autrefois jusqu'à 60000 en un jour avec un seul filet, et lorsque Rockingham fut nommé mem- bre du parlement, il fit mener treize tonneaux d'anguille pour un repas qu'il donna Z). Près du Workum en Frise, on en pèche une si gran- de quantité, que Ton entretient exprès des vais- seaux, qui en mènent tous les ans pour près de 100000 livres sterlings en Angleterre m). L'an- guille parvient à une grosseur considérable. Dans quelques lacs près de Prenzlow, on en trouve de 2 — 5 aunes de long et grosses com- me le bras. En Albanie, on en pêche qui sont
0 Martini Nat. Lex. L 8. m) Miiller. L. S. lY, 59.
614 l'anguille.
grosses comme la cuisse n). Vers les frontières de la Chine, elles deviennent aussi fort grosses; car le Dr. Melle, a St. Pétersbourg, a reçu une peau d'anguille de ce pays, qui avoit 5 pieds de long et 3 de large 0). En Angleterre, on en pèche quelquefois qui pèsent 15 — 20 livres p). Salvien en a trouvé en Italie de vingt livres q), et Fline dit que celles du Gange ont quelquefois trente pieds r). La peau est souple et trans- parente. Les Tartares des confins de la Chine, s'en servent en guise de carreaux de fenêtres. Dans d'autres endroits, on coupe ces peaux en lanières, et les paysans s'en serv^ent pour atta- cher leurs fléaux, parce quelles sont plus for- tes que le meilleur cuir. L'anguille est du nombre des poissons voraces: mais l'ouverture de sa bouche est si petite, qu'elle ne peut s'em- parer que des petits poissons. Elle se contente aussi d'insectes, de vers et de charogne. Elle aime siir-tout les oeufs des autres poissons; elle les suit dans le tems du frai, et fait un grand tort à leur multiplication. Mais je doute, que ce soit pour lamour des oeufs quelle s'introduit par l'anus dans le corps de l'esturgeon, comme le croit Reininrus s), je crois plutôt que l'esturgeon avale l'anguille,
n) Spans. Griecli. II. 5g* cf) Aqu. 275.
o) Miiller. L. S. N. 40. r) Hist. 1. 9. c. 5.
p) Pciin. 145. s) Kunstricbe, 105.
l'anguille. 615
et quelle sort par l'anus; ce que nous vo- yons aussi arriver aux cigognes et aux hé- rons, au derrière desquels on voit sortir les jeunes anguilles qu'ils ont avalées t). L'an- guille aime aussi les pois; elle cherche les en- droits où on en a semés; elle cherche aussi les vers des près. Elle ne va à la chasse que pen- dant la nuit; pendant le jour, elle se cache dans la bourbe, où elle s'enfonce profon- dément. Elle forme deux ouvertures à cette retraite obscure, afm que si l'une se trou- ve par hazard bouchée, elle puisse échapper par l'autre. Ses ennemis sont le brochet, les oiseaux de marais et les loutres. Elle a la vie bien dure, et on peut la transporter très -loin dans un vase où il y a de l'eau, de l'herbe, ou du jon,c. Elle vit aussi 2 — 3 jours hors de son élément. Selon Aristote u) et Pline x), elle vit ainsi pendant six jours quand il souffle un vent du Nord, et quelques jours de moins par un vent du Sud. Selon les expériences de Mu' schenbroeh, une anguille s'est remuée pendant longtems dans un espace dépourvu d'air,, et n'y est morte qu'au bout d'une heure. Une autre
t) J'ai vu la même chose a force de se démener; et
une loche de marais. On enfin on la vit sotir par
Tavoit mise par plaisante-. l'anus,
rie dans la gueule d'une «) L. 8» c. 2.
chèvre : elle s'étoit intro- x) L. 9. c 21. duite dans les boyaux à
6i6 l'anguille.
vécut s heures dans cie l'eau dont on avoit tiré l'air y). L'irritabilité dure aussi longtems dans ce poisson; de sorte que si on lui coupe la tête, et qu'on le touche avec la pointe d'une aiguille, il se retire pendant l'espace d'une heure. Quoi- que l'anguille ait la vie si dure, elle est cepen- dant extrêmement sensible à un degré considé- rable de froid et de chaud. Voilà pourquoi elle se cache de bonne heure en automne, et ne re- paroît au printenis que lorsque l'eau a pris une température plus douce. Selon Aristote, si dans l'Eté on transporte des anguilles d'un lac dans des réservoirs, elles meurent toujours z). Cela peut être vrai pour les pays chauds; car dans nos contrées on peut les transporter même en Eté. Cependant elles en deviennent quel- quefois malades, sur- tout dans les grandes. cha- leurs: alors elles ont une espèce d'éruption, qui consiste dans des taches blanches depuis, la grandeur d'un grain de millet jusqu'à celle d'u- ne lentille, et les pêcheurs n'ont que des remè- des incertains contre cette maladie. Ces remè- des consistent en tabouret a) , qui croît en quan- tité sur les rivages. Ils jettent cette plante dans les réservoirs, et les anguilles qui se piquent avec les pointes dont elle est garnie, guérissent de leurs taches. Ils se servent encore de sel; mais quand ces deux remèdes n'opèrent point,
y) Experim. I. 109. 2) L. Q, c. 3. à) Suatioides aloides.
I.' ANGUILLE. .617
elles sont perdues sans ressource; parce que cette maladie gagne promptement celles qui ne l'ont pas. Cependant on peut conseiller à ceux qui ont des anguilles dans des réservoirs, d'y mettre toujours de cette plante par précaution. L'anguille nmltiplie beaucoup: cependant jusqu'à présent on n'y a trouvé ni laites ni oeufs; quelques naturalistes seulement ont trou- vé des petits dans son corps. Ce défaut de lai- tes et d'oeufs a beaucoup embarrassé ceux qui ont voulu expliquer la génération de ce pois» son. J'espère donc faire plaisir à mes lecteurs, en leur communiquant les diiférens sentimens que l'on a eus sur cet objet; on verra par -là ce qu'on en a pensé dans diiférens tems. Aristote a regardé la génération de l'anguille comme une chose si remarquable, qu'il lui a consacré un cha- pitre particulier h). Selon lui, c'est le seul des animaux qui ont du sang qui ne se reproduise ni par l'accouplement, ni par les oeufs; parce qu'il n'y a dans cette espèce ni mâles ni femel- les. Il croit que les anguilles naissent de la fange corrompue. Car comme on les trouve dans des marais desséchés, lorsque la pluie vient de les remplir, il faut bien, dit -il, qu'el- les aient été produites de ces marais. Si ce phi- losophe avoit réfléchi, qu'elles pouvoient y avoir été apportées par les inondations causées V) L. 6. c. 16,
I
6l8 3L' ANGUILLE.
par les grandes pluies ^ ou que l'anguille vit longtems cachée dans la bourbe, il auroit senti aisément l'inceilitude de cette conséquence. Il faut qu'il n'y ait pas pensé non plus, que si c étoit la vase corrumpue qui produisit les anguilles, on en trouver oit dans tous les marais de cette espèce. Pline ^ qui refuse aussi à l'anguille l'un et l'autre sexe, dit avec un ton d'assurance, que les anguilles, en se frottant contre des corps durs, font sortir de leur corps des petites par- ties, qui s'animent et deviennent des anguil- les c). Athénée les fait naître de le vase cor- rompue; d'autres, de la pourriture des ani- maux cZ). Comme on trouva quelquefois plu- sieurs anguilles dans le corps des chevaux qu'on avoit jettes dans l'eau quelque tems auparavant; on en conclut qu'elles étoient venues de leur corruption. Mais on n'y pensoit pas que l'an*- guille, est un animal Carnivore. Rondelet sou- tient, quelles se reproduis oient comme les au- tres poissons pourvus de laites et d'oeufs. Il disoit, que la grande quantité de graisse dont la laite et les oeufs étoient entourés dans les anguilles, empêchoit de les appercevoir, et il assuroit en avoir vu entrelacées l'une dans l'au- tre; ce qu'il regardoit comme un accouplement. On a voulu les faire naître aussi de la rosée du
c) L. 9. c. 57» d) Rondel. IL 145.
L ANGUILLE. X 619
mois de Mai, et on a taché de le prouver par l'expérience suivante: On prend au mois de Mai deux morceaux de gazon ; on les place l'un con- tre l'autre, de manière que les deux côtés gar- nis d'herbe se touchent. On couvre le tout d'herbe, et vers le soir on jette ce paquet dans l'eau, de manière que l'herbe soit égale à la surface de l'eau. Alors, s'il a fait une forte rosée pendant la nuit, on trouve le matin des petites anguilles parmi le gazon. Quelque ridi- cule que soit cette opinion, et quelque peu d'apparence qu'il y ait qu'on puisse s'y arrêter un l'instant, LeuwenJiôck l'a cependant jugée digne d'une réfutation; et voici comment il ex- plique ce phénomène e) : On fait que la rosée ne tombe que par un tems calme et tranquille. Les poissons se tiennent ordinairement au fond; mais dans un tems clair, les jeunes sur-toilt viennent sur la surface de l'eau, qui est la par- tie la plus chaude. Or comme les jeunes an- guilles trouvent en même tems de la nourriture dans le gazon, on voit pourquoi elles s'y trou- voient lorsqu'il tomboit de la rosée, et pour- quoi elles ne s'y trouvoient pas en cas con- traire. Mais Hehnont qui attribue tant d'effica- cité à la rosée du mois de Mai, ne la croit pas cependant propre à produire des anguilles, et il y ajoute le miel/). Un autre fait naître les
e) Epist. 75. I. 338. /) Rieger. Introd. 1. 1. 559.
620 Jl' ANGUILLE.
anguilles de la corruption des peaux d'anguilles jettées dans l'eau; et Leuwenhôck s'est donné .aussi inutilement la peine de réfuter cette opi- nion. Cet auteur croit avoir trouvée une grande quantité de petites anguilles dans la liqueur qui sort du nombril lorsqu'on le presse g). Mais je croirois plutôt que ce sont des animalcules, tels que ceux que j'ai remarqués en grand nom- bre dans la matière visqueuse qui sort du boyau culier, comme je l'ai dit dans mon mémoire sur les vers des intestins lij. Cependant LeuiveU' hôch ne s'en tint pas à cette expérience, il alla plus loin. Tous les mois, depuis le printems, il ouvrit un certain nombre d'anguilles, et à la fin, il trouva au mois d'Août dans la matrice d'une anguille, un petit, et deux dans une au- tre. Ils avoient, comme on le voit par le des- sin, la grosseur d'un crin de cheval et la lon- gueur d'un pouce. 11 est aisé de voir que ces expériences pénibles n'ont pas répandu assez de lumière sur la génération des anguilles ; car une multiplication si modique ne seroit pas à beau- coup près suffisante pour réparer la destruction que les hommes et les animaux font chaque an- née parmi les anguilles. Cependant il se pour- roit que les anguilles fissent leurs petits peu à peu, et qu'alors il n'en restât que quelques-uns
o) Epistol. 341. f. A. — D. /O Pi- 10- ^' ^^ ^ ^2-
«
X' ANGUILLE. 621
dans le corps. Schivenchfeld, fit naître les an- guilles par les ouïes de la bordélière i) , en quoi Ray l'a fidèlement copié h), Sclioneveld, les fait naître sous la peau de l'éperlan, de la mo- rue, et de quelques autres poissons Z). Ce sont des animaux assez semblables aux anguilles qui ont trompé ces deux auteurs. Le premier prend des sangsues pour des jeunes anguilles. J'ai trouvé ces animaux, non seulement dans les ouïes , mais aussi dans le palais de plusieurs au- tres poissons de rivière. Le second a pris pour des jeunes anguilles les gordins d'harengs ni) y que l'on trouve souvent dans les poissons de mer. D'autres encore ont fait naître les anguil- les de l'eau claire , sans le concours d'aucune se- mence. Les pécheurs de Sardaigne croient que l'anguille naît d'un marbot aquatique: voilà pourquoi ils la nomment sa rnairia de sas aiti^ biddas nj, Allen rapporte qu'il a trouvé des oeufs dans une anguille, et six petits dans lui autre; mais comme il dit qu'ils étoient dans le canal intestinal, Dole a raison d'observer, que cet endroit seroit contraire au. procédé général de la nature, qui ne met point les oeufs ni les petits dans un canal où le passage de la nourri- ture pourroit leur causer du dommage oj. Sans
i) Tlieriotroph. 414. ^-7 — lo*
k) Syn. 57, 71 ) Cett. Sard. gS.
/) Ichth. II. c) Phyl, Tr. Abridg. II.
m) Bloch Tr. de ver, t, 8* 833t
622 l'anguille,
doute que les anguilles qu'il a observées, avoient avalé des oeufs, et les prétendus petits étoient des petits vers.
Wîllugliby est le premier qui avoua fran- chement que la génération des anguilles étoit inconnue. Le Dr. Ebner assure au contraire, qu'une anguille a rendu plusieurs petits vivans, enfermés dans des petites vessies p). Chnrleton assure la même chose, et prétend avoir trouvé 11 petits dans la matrice d'une anguille q). Dans la suite, Mr. Fahlberg vit au mois de Fé- vrier 1750, dans une anguille encore vivante, un petit à moitié sorti par le trou ombilical. Il l'ouvrit, et trouva dans la matrice 40 autres petits, qu'il mit dans de l'eau; et ils s'y remuè- rent pendant six heures de la même manière que les anguilles rj. BîrcJJioUz rapporte aussi que les vieux pêcheurs expérimentés, en Juin et Juillet, en faisoient sortir du corps des anguil- les vivantes, en leur pressant le ventre, et que lui-même en avoit vu ensuite aussi dans le corps des mères sj. Plusieurs autres pêcheurs aussi expérimentés de ce pays, m'ont assuré, que si, dans ce tems, on presse une anguille -mère, les petits en sortent sous la forme de serpens très- petits et très- déliés, et qu'ils ont aussi souvent remarqué de petites anguilles, quand leurs ba-
p) Ephem. N. C. I. 119. r) Schwed. Abli. II. 200.
i/) Onomast. 154, ^) Churmarck. 4.
I. AINGUILLE. 625
teaux troues sont si pleins de grosses anguilles, qu elles se pressent les unes sur les autres. Ges- ner est le premier qui a dit que l'anguille etoit vivipare, et il s'appuyoit sur le témoignage de deux pêcheurs expérimentés, qui avoient vu sortir d'une grosse anguille nombre de petites anguilles de la longueur de trois pouces tj. Cetti assure aussi que ce poisson est vivipare uj* J'ai demandé à plusieurs de mes amis du de- hors, quelques observations sur la génération des anguilles; et voici ce qu'ils m'en mandent.
Mr. de Blandow, qui demeure à Jamitzovr, prit quelque 'teins avant la fenaison une anguil- le, qui étoit d'une grosseur extraordinaire. Le cuisinier en l'apprêtant, trouva dans son corps une quantité de vers; de sorte qu'il la montra à son maître, en lui disant, qu'on ne pouvoit la manger. Mr. de Blandoiu observa ces petits vers au microscope, et il trouva que c'étoit exactement de petites anguilles, dont quelques- unes étoient à peine grosses comme un fil; d'au- tres, un peu davantage, et qui se remuoient déjà vivement dans le ventre de leur mère. Dr. Heiin m'a écrit de Spandow: que tous les pê- cheurs s'accordent à dire que l'anguille fait des petits. Hier encore j'ai été chez plusieurs , pour m'en informer, et j'ai appris une chose qui me-
f) A<iu. 44. v) Sard. III. 6a.
624. L ANGUILLE.
rite d'être rapportée: On prit un jour une gros- se anguille, et on la mit aussitôt dans le bateau. Quelque tems après les pêcheurs, à leur grand êtonnement, virent un nombre assez o:rand de petites anguilles, qui n'étoient pas encore à beaucoup près aussi grandes que des sangsues, et aucun des pêcheurs ne douta que ce ne fus- sent des petits sortis de la grosse. Bekmann raconte aussi que les pêcheurs de Writzen pré- tendent qu'ils ont remarque dans une grosse anguille des petits aussi minces qu'un fil fin, et longs comme deux phalanges xj, Mi\ Millier^ célèbre naturaliste de Coppenhague, assure d'a- voir trouvé des oeufs dans quatre anguilles yj. Les ovaires étoient de la longueur d'un pouce; ils étoient remplis d'oeufs de différente gros- seur, et placés près de la vésicule aérienne et des reins. Ces oeufs n'écloroient-ils point dans le ventre de la mère, comme cela arrive dans la lote vivipare?
On prend ce poisson de différentes maniè- res; avec des filets, nasses, lignes de fond, an-, guillières, etc. On l'attire à la ligne avec des petits poissons. Dans nos contrées, les pê- sheurs jettent les lignes flottantes vers le mi- nuit, et vont les retirer dès le grand matin; car s'ils perdent du tems, le poisson à force de
oc) Cliiirraark. II. 5, ^1, .^ y) Schrift. d. G. d. N. I, 204.^
i/anguille. 625
se débattre, rompt les ficelles et s'échappe. En liiver, on le prend aussi sous la glace avec des fourches. Et comme il est ordinairement ras- semblé en tas dans la bourbe, on en piend quelquefois jusqu'à 150 — igo dans un trou de 2 pieds en quarré. Le tems le plus favorable pour cette pèche, c'est une nuit obscure. L'an- guille est un poisson délicat ; mais ayant beaucoup de graisse, il est difHcile à digérer: voilà pourquoi Galien n'en conseille pas l'usage, même quand il a été péché dans une eau claire. En effet, les personnes foibles et qui digèrent difficilement, doivent s'en abstenir. Comme l'anguille est un poisson généralement armé, l'économiste fera bien de le mettre dans ses étangs. Il demande un lac spacieux, avec un fond de sable ou de marne, et un endroit où il y ait de la vase, pour lui servir de retraite pen- dant l'hiver. Si l'on veut en conserver dans des étangs par amusement, ou pour s'en faire pro- vision, il faut, comme ylristote le remarque, que ces étangs soient placés de manière, qu'il y passe un ruisseau d'eau fraîche zj. Selon Pline, l'anguille peut s'apprivoiser au point de manger dans la