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REVtrf
DES
DEUX MONDES
LXXVII* ANNÉE. - CINQUIÈME PÉRIODE
►
TOUS ZXXIZ. — i*' MAI 1907.
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REVUE
DES
DEUX MONDES
iiweiirm
LXXVII» ANNÉE. — CINQUIÈME PÉRIODB
TOME TRENTE-NEUVIÈME
PARIS
BUREAU DE LA REVUE DES DEUX MONDES
RUE PB l'université, 15
1907
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L'ÉMIGRÉ
(0
QUATBliMB PABTIB (S)
VII. — PORS L HONNEUH
semaines s'étaient écoulées depuis que le jeune homme lu s'éloigner dans Tanlichambre de son appartement du chef de la maison de Claviers-Grandchamp, sans pelât pour lui crier la vérité, pour empêcher cette injustice : les dettes de ses imprudentes, mais géné« > chevaleresques prodigalités payées avec l'argent de 5a femme! Landri se retrouvait, après ces vingt-neuf nême place et à la même heure, parmi le même cadre ailiers où s'étaient écoulés ses arrêts. Il était libre . Il venait, la veille, d'être condamné par le conseil le Ghàlons, à quinze jours de prison, par cinq voix , avec le bénéfice de la loi de sursis. Rentré de Châ- it-Mihiel, il avait trouvé chez lui un communiqué signifiant que « par décision présidentielle, en date de ieutenant de Claviers-Grandchamp était mis en non- retrait d'emploi. » C'était le véritable « ci-gît » du I feuille de papier, bien plus que la lettre du colonel, îtour de l'expédition de Hugueville. Landri l'avait
d, May first, nineteen hundred and seven. Privilège of copyright in tes reservedf vnder the Act approved March third, nineteen hundred >n-NoiiiTit et 0\ Retme du 15 mars et des 1*' et 15 avril.
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V REVUE DBS DEUX MONDES»
froissée et jetée, sans plus s'en occuper. Il n'avait d'attention que pour un télégramme qu'il lisait et relisait indéfiniment, assis, la tête dans sa main, — à la même table et dans la même posture que le marquis l'autre jour, — tandis que son valet de chambre et son ordonnance allaient et venaient dans les pièces, occupés aux malles. Landri rentrait à Paris par le train de nuit. Ce télé- gramme dans lequel il s'absorbait ainsi était signé du maître d'hôtel de M. de Claviers. C'était la réponse à la seule lettre qu'il eût écrite au marquis depuis leur entretien. Il la lui avait adressée au sortir du conseil de guerre, pour lui annoncer le verdict. Jl y avait fait une allusion discrète, mais très nette, à son projet de mariage, et indiqué qu'il se proposait de venir à Paris, à moins que « son père, » — il continuait de l'appeler ainsi, — n'y vît une objection. Il lisait et relisait la dépêche, qui lui accu- sait réception de cette lettre : « Monsieur le marquis, obligé de partir pour Grandchamp, me charge de dire à M. le comte, en réponse à sa lettre, qu'il l'attend rue du faubourg Saint-Honoré, demain. — Garnier. » Que M. de Claviers n'eût pas désarmé de sa rigueur, cette missive, si volontairement impersonnelle et dans des circonstances pareilles, le prouvait assez :
— « Pourtant, il veut me voir!... » se disait Landri. « Cette conversation sera de nouveau bien pénible. Je lui dois de ne pas m'y dérober... »
Dès la réception de cette dépêche, il avait tendu toutes les énergies de son âme à envisager cette rencontre au point de vue qui n'avait pas cessé d'être le sien, durant ce mois d'une solitude presque absolue. Il l'avait passé tout entier à se définir son devoir, et toujours il avait abouti à cette double nécessité : silence et séparation, séparation et silence. Il n'avait pas eu, durant ces interminables heures de méditation, une minute de doute. Pas une minute, non plus, il n'avait cessé de soufiVir, à la pensée de ce testament, du monstrueux abus de confiance commis à son profit par son vrai père et dont il lui fallait être le complice, sous peine de commettre un crime plus monstrueux, en bri- sant le cœur du plus loyal des hommes, en déshonorant sa propre mère. Le remords de cette participation forcée au pire des mensonges devenait la forme de sa douleur. Chaque foir qu'il s'était rappelé, depuis ces quatre semaines, la foudroyante révélation, tout de suite il avait pensé au procédé employé pai le mort pour lui laisser sa fortune, et frémi de révolte impuis-
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l'émigré. ^
.uciin incident ne Favait distrait de cette obsession : iterrogatoires de Tenquète instituée contre lui, ni les ices avec son avocat, ni la comparution devant ses juges, lanifestations provoquées par son acte. Des témoignages athie lui étaient venus par centaines de toute la France, ; d'officiers supérieurs et de camarades, même de simples 5. Il avait reçu aussi quantité de lettres et de cartes , remplies d'ignobles injures. C'était le signe que le
de Claviers avait eu raison , et que le geste de refus a porte de Téglise à cambrioler, puisqu'il exaspérait les
de l'armée, correspondait vraiment à un besoin pro- la conscience militaire. Hélas! ce n'était qu'un geste, imulation. L'officier avait obéi à un sentiment qu'aucun Imirateurs ou insulteurs ne pouvait môme soupçonner, it critiques ne lui étaient pas plus arrivés que les autres ons du monde extérieur. Seules, les lettres de M** Olier trouvé le secret de lui communiquer un peu de leur e. Il en avait regu une chaque jour. Assurément, la ite femme se rendait compte qu'elle l'avait blessé, le
jour, en lui parlant de M. de Claviers. Jamais plus,
longues causeries, la plume à la main, elle ne men- même l'existence du marquis. « On lui a dit l'héri- n avait conclu Landri, « et elle a compris. » Il devinait l"^* Privât, venue à Paris pour l'enterrement de Jau- ivait fait une visite à Valentine. Elle lui avait raconté, çreur d'une parente évincée, le testament de son cousin :
Vous vous rappelez ce que je vous avais dit de sa [>our M"' de Claviers-Grandchamp ? Aujourd'hui il laisse fortune k M. de Claviers I Privât ne veut jamais voir le )rétend que c'est la plus sûre preuve qu'il ne s'est jamais se... Avouez, ma chère amie, que ça n'a pas bon air I... » }lier n'avait rien répondu. Mais son cœur s'était serré de le avait revu Landri, dans leur dernière conversation, tour à tour et convulsé de souffrance, et elle avait pé- terrible vérité. Son affection s'était faite plus douce, plus te à travers la distance, et par cette après-midi d'avant urà Paris, penché sur cette dépêche énigmatique, pré- tain de nouvelles luttes, l'officier condamné évoquait, miner ses troubles, l'image de son unique amie, la >t la consolatrice.
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e la reverrai demain... » se disait-il. « Je pourrai secret que l'honneur me com'mande, et elle lira en me plaindra. Elle m'aime!... // va me demander d'y J'ai eu de la force contre le premier assaut. Je 'en avoir davantage contre le second... Mais est-ce ela qu'il veut me parler?... Et de quoi pourrait-ce
ms cette question que Landri se posait, ou plutôt qui se lui, malgré lui, une autre hypothèse était enveloppée, rai que M°* Olier eût entendu parler des assiduités de auprès de M°* de Claviers, — et de cela il ne dou- — d'autres en avaient entendu parler aussi, d'autres nt. Dans le premier sursaut de la révélation, c'avait êdiate pensée du fils. On se rappelle comment, parti îrcle de la rue Scribe, après la scène de la rue de il avait fui, d'une fuite affolée et sauvage, rien que vu un membre du Club en passer le seuil, avec l'épou- L coupable devant un témoin de sa honte. Le testament \ Jaubourg avait dû réveiller tous les propos, déchainei m la malveillance assoupie. Qui sait si le marquis ; reçu des lettres anonymes, si le soupçon ne s'était pas lui? Un détail avait étonné Landri, plus que tous les rmi les incidens de ces quatre semaines. Voici qu'en lur le sens caché de cette dépêche, il se prit à y repen- attacher soudain une souveraine importance. Gomment iers n'avait-il donné aucune suite à un des projets exa- s leur entretien : le choix d'un avocat? Le motif qui irréconciliable sur le point du mariage avec Valen- t le respect, le cuite, l'idolâtrie de son nom ; ce môme rait-il pas dû le faire persévérer dans son idée initiale? de ce nom était traduit devant un conseil de guerre, un fait public, et qui n'avait rien à voir avec leur dis- privé. Comment « l'Émigré » n'avait-il pas tenu à ce Ipé fût défendu, — c'avait été son premier mot, — sur du principe auquel il dévouait sa vie : Thonneur du me? Entrer en communication avec son fils n'était pas pour cela. 11 eût suffi d'envoyer au jeune homme un « endoctriné, » suivant son autre mot. 11 ne l'avait pas juoi? Landri avait dû s'adresser au notaire Métivier, mt expédié un de ses parens, praticien distingué,
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aent professionnel. Le marquis et cet avocat ne ; vus. Pourquoi?... Cela signifiait-il qu'un événement lit survenu? Lequel? Cet éveil de soupçon? Ou bien le la puissance paternelle offensée suffisait- elle à 3tte abstention? Landri éprouva un tel besoin de le
alla prendre, parmi les livres déjà emballés, Tou- était ramassée et resserrée l'essence des idées du Histoire et la Généalogie de la maison de Claviers- p. Le titre seul fit tressaillir Landri, mais il se rap- oir lu une ijote qu'il lui fallait à tout prix retrouver. L tint, il en épela mot par mot, à voix basse, toutes 5. Il voulait y voir une explication de l'attitude du lissé dans une de ses convictions les plus intimes, ragment d'une harangue prononcée en 1783, par l'élo- eyrier, devant le Parlement de Paris. M. de Claviers e passage, à propos de la sévérité d'un de ses ancêtres s, un cadet, avec un commentaire enthousiaste et en
les dernières lignes comme pour se les approprier, soutenait dans ce plaidoyer la dénonciation d'un père îontre sa propre fille. « ... Peut-on, » disait-il, « peut- iffliger, considérer quel intervalle immense nous sé- iix qui nous ont transmis nos lois? Par quels degrés ement nous avons substitué à cette énergie de l'ftme, à
la véritable vertu, une sensibilité factice qui s'effraie e effort ; non pas cette sensibilité saine, inséparable nité, qui plaint le criminel en punissant le crime,
flexibilité du caractère, cette mollesse du cœur, fait acheter par notre indulgence l'indulgence des ppie nous nommons sensibilité pour légitimer notre pour l'ennoblir même, s'il était possible I... Dans les emps de la République, au moment où la discorde it la dépravation, Âulus Fulvius déserte Rome pour ilina. Son père le rappelle. Ce citoyen rebelle à la encore un fils respectueux. Il obéit. Il vient subir le de mort prononcé par son père. Nos aïeux admiraient )le d'une vertu sublime. Nous le croyons sévère. Nos le trouveront barbare. Nous commençons à nous éton-
père exerce le droit que la loi lui donne^ de venger ur trahi, son autorité méprisée. Nous finirons par lui droit. De r impossibilité de punir les enfans naîtra le
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mépris du père^ F insubordination^ la révolte et l'universelle anarchie.,, »
-^ « Voilà sa façon de penser, et la plus profonde^ » conclut Landri en refermant le gros livre. « Gela suffit pour que ma résistance l'ait exaspéré, et qu'il n'ait plus voulu s'occuper de moi jusqu'à ce que j'aie plié... Où avais-je l'esprit? Il désire me voir demain pour ces mêmes affaires dont il m'a fait écrire par Métivier. Vais-je m'imaginer aussi qu'il a des raisons mys- térieuses pour, séparer nos intérêts? Il m'a déclaré ici même cette résolution. Rien que cela prouve quelle idée il se fait de ma faute à son égard. Pour lui, c'est un crime... Je devrais tant me féliciter qu'il ait cette rigueur dans ses convictions!... »
Cette explication était très plausible. Elle n'apaisa pas la vague inquiétude où le télégramme avait jeté Landri. Voici pourquoi. Maître Métivier lui avait, une'^quinzaine de jours au- paravant, envoyé de nombreux papiers à signer, en les accom- pagnant d'une assez longue épitre, plus personnelle. Il y racon- tait qu'il approuvait beaucoup cette séparation de fortunes entre le père et le fils, et qu'il y voyait un très bon signe pour l'avenir* Il ajoutait que M. de Claviers avait, sur ses conseils, confié la liquidation de ses dettes à un ancien clerc à lui, un M. Gauvet, avocat particulièrement occupé de choses notariales. Ge Gauvet avait presque immédiatement découvert une grave irrégularité. Ghaffin avait été renvoyé. » Peut-être monsieur le marquis, » remarquait le prudent Métivier, (c a-t-il été un peu dur. Quoique la fraude fût bien probable, elle n'était pas tout à fait certaine... »
— « J'avais donc raison, » avait pensé Landri sur le moment, « Ghaffin aussi trahissait!... » Et il s'en était tenu là. Dans ses réflexions actuellesi les choses prenaient un autre aspect. Gette violence dans l'emportement était certes un trait du caractère de M. de Claviers. Il n'était pas besoin d'autres raisons, pour l'ex- pliquer, que cette découverte d'une infidélité. Mais les consé- quences ? Landri se souvenait que le fils de l'administrateur con- gédié de la sorte était Pierre Ghaffin, le médecin qui avait veillé Jaubourg agonisant. Si pourtant ce garçon avait répété à son père ce qu'il avait certainement entendu?... Si pour se venger celui-ci répétait ce secret à son tour?... S'il l'avait écrit à l'inté- ressé?... « Non, » se répondit Landri, « Ghaffin a pu être ten par l'argent qui lui passait entre les mains et devenir un voleu Ge n'est pas un monstre, Pierre, lui, est un médecin. Il en éxii
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et beaucoup qui gardent le secret professionnel. Non. a pu se produire de ce côté, ni d'aucun autre... Notre »ation de l'autre jour suffit bien f... »
dépit de ces raisonnemens, cette rentrée à Paris, dans iditions et sur ce télégramme, donnait au jeune homme irmontable sentiment d'appréhension. — « C'est d'être en- ians cet appartement où j'ai eu trop de chagrin qui me , » se dit-il, et il sortit, pour essayer de vaincre cet éner- ;, par la marche. Il employa cette fin de l'après-midi à des d'adieu. Elles ne lui donnèrent pas non plus ce calme dont :, après tant de secousses, un besoin presque physique, it pu mesurer le degré du changement accompli en lui, ces quelques semaines, à ce petit fait : durant cette der- romenade d'une extrémité à l'autre de cette ville qui avait iemière garnison, il n'éprouva pas une minute la nostalgie lier qu'il avait tant aimé. Une préoccupation emportait e la même nature que celle qu'il avait dû subir devant le mme et qu'il avait voulu secouer : savoir si la nouvelle du Bnt infftme était arrivée jusqu'à ses camarades et ce qu'ils saient? Landri avait su vaguement autrefois, sans s'y inté-
que le commandant Privât était un cousin éloigné de irg. Il n'eut pas plutôt mis le pied sur le trottoir qu'il rappela. Cet officier avait pris sa retraite, l'autre hiver.
resté certainement en correspondance avec quelques-uns
compagnons d'armes. Leur avait-il écrit cette nouvelle» uels commentaires? Si oui, quel jugement portaient tant irs droits et simples, dont il connaissait la loyauté intran- te, sur l'acceptation de M. de Claviers? Une telle idée
pas de celles qui en permettent d'autres. Vainement les IX d'activité militaire, partout épars dans les rues de Idihiel, se multipliaient-ils, autour du lieutenant chassé du \, comme pour lui représenter ses rêves de jeunesse et leur ement. Il n'y prenait pas garde. Il put ainsi passer, sans que ispoir l'étouffât, devant cette porte du Quartier, qu'il fran- tt, l'autre jour encore, avec une telle volonté de garder son me. Il croisa, sans que son cœur se déchirât, plusieurs cava- e son ancien peloton, conduits par son successeur, lequel lonté précisément sur Panthère, devenue, en ces quelques les, une docile et fringante jument d'armes. Il reconnut
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le profil insolent et gouailleur de Baudoin, le visage déjà moin ouvert de Teilhard, évidemment repris par des influences d'anar chie. C'est une des plus amères tristesses que puisse éprouver m vrai chef : voir se fausser entre d'autres mains l'outil vivan qu'il avait espéré et commencé de façonner. Landri ne s'en ému qu'à peine. Tout au contraire, il ressentit un intense soulage ment à constater que ni Despois, ni Vigouroux, les deux pre miers officiers auxquels il rendit visite, n'avaient le moindri soupçon du legs fait aux Claviers par le cousin de Privât Il eut le courage de leur nommer l'ancien commandant à Tui et à Tautre. Visiblement, ils ne pensaient pas à lui depuis de mois. Ils avaient bien d'autres soucis en tête, qu'ils épanchèren tous deux, à leur manière.
— «... Vous voilà perdu pour l'armée, » lui dit Despois. « Vous un si bon officier, quel dommage!... C'est ce que je reproche h plus aux malheureux qui nous gouvernent, de ne pas com prendre que, chez nous surtout, un homme ne se remplace pas.. Un homme! Quand on en a un et qui veut servir, on doit tou faire pour le garder! Un homme, en campagne, ça en vaut dix vingt, trente, cent, ça en vaut mille !... On croirait qu'un esprit d< vertige est dans nos tyrans, qui les pousse à éliminer de l'armée lei gens de cœur, c'est-à-dire les loyalistes, ceux dont leur Républiqu4 a le moins à craindre. L'officier qui refuse, comme vous, d'en foncer une porte de chapelle, c'est l'officier qui ne conspire pas parce qu'il a des scrupules, et ces insensés ne le comprennen point!... Moi aussi, » avait-il ajouté, « je m'en irai, et bientôt.. Je ne crois pas que j'y tiendrai ! Hier on nous faisait marche] contre les églises, demain nous serons appelés à faire campagne contre des grévistes. Cette seconde besogne n'est pas plus celle d'un soldat que la première. L'armée peut s'employer, par excep- tion, à assurer l'exécution des lois. Ce doit être une exception Elle a, pour raison d'être, la guerre, et non pas la police. Nos poli ticiens ont l'horreur de la guerre, de cette mâle et sainte écoh d'héroïsme. Ils ont le goût ignoble des coups de force dans li rue. Tenez: on parle de nous envoyer, cette semaine, mettre d( l'ordre aux forges d'Apremont... Faites-nous donc une politique de paix à l'intérieur, messieurs, et de dignité fière à l'extérieur!.. Adieu, Claviers. Je souhaite que nous nous retrouvions, où voui devinez, botte à botte en chargeant l'ennemi... Mais aurons
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îore des cavaliers pour nous suivre?... J'ai tort. On n'a poit de désespérer, si près de Vaucouleurs. Que voulez- ela crève le cœur à votre vieux capitaine de vous voir
... Hé bien! Ils vous ont fendu l'oreille, mon brave Cla- tel fut le premier cri de Vigouroux. « Ah! les... » et nant de dragons, qui appartenait à la grande tradition er et des Gambronne, lâcha un terme de corps de garde se des persécuteurs de son camarade. « Savez- vous qu'il n'en arriver autant?... Et pourquoi? Pour avoir échangé trois phrases avec vous, quand nous sommes descendus il an retour de Hugueville. Ah ! ça n'a pas traîné. L'après- ime, le colonel me faisait venir. — Est-il vrai que vous icîté publiquement M. de Claviers? m'a-t-il demandé. ;ausé en effet avec Claviers, ai-je répondu, mais en tôte Lors du service, et si quelqu'un prétend avoir assisté en >tre entretien, il a menti. — Charbonnier a hésité une mi- a beau avoir les idées que vous savez, il est bon diable. f Vigouroux, Charbonnier, ça rend le même son, ces , au lieu que Claviers-Grandchamp... Enfin !... — Va pour is encore, m'a-t-il dit. Mais soyez moins bavard, jeune
Vous pouvez tomber sur un autre colonel que moi. en a rien été de plus. Vous voyez, deux minutes de ition, et nous avions déjà été mouchardés... Ça empoi- i vie. Claviers, d'êtj^e au milieu des fichards... Ça me gâte le du mess, qui, justement, n'était pas trop mauvaise cette Fe ne sais pas manger sans causer, et personne n'ose plus iitour de la table. Si tous les bons comme vous, les solides,
était bien sûr, disparaissent, que deviendrons-nous?... al, Charbonnier et ses flics diront ce qu'ils voudront, je licite de nouveau, et je vous autorise à répéter partout ;ouroux vous a crié par deux fois bravo... »
at n'avait donc rien écrit! Voilà toute la signification nt, pour leur ancien camarade, ces propos des deux offi- un si distingué de nature, l'autre si simple, tous deux mt épris du service et blessés au vif de leur honneur mili- ir des procédés abominables. Plus tard Landri devait ; revoir en pensée le regard tristement clair de Despois
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; son masque creusé, et la lippe gaillardement dégoûtée, — si peut dire, — du rougeaud Vigouroux. Sur le moment, il ait plus de place dans son cœur pour des sensations de cet e. Ses autres visites se passèrent dans les mêmes alternatives uriosité douloureuse et d'un peu d'apaisement, si momen- I L'attente de l'entretien avec M. de Claviers, — le troisième lis qu'il savait ce qu'il savait, — le brûlait d'une fièvre trop \. Elle ne fit que croître à mesure que les minutes passèrent, rochant celle où il se retrouverait en face de cet homme. De reau, comme dans la «narche à la tète de ses dragons sur iieville-en-Plaine, il recommençait de ne plus voir que lui, ue lui sur le quai de la gare, où bien peu de ses amis de t-Mihiel eurent le courage de venir lui dire adieu, — que [ans le compartiment de wagon, où il essayait, bercé par la Bur monotone du train, de se figurer et les mots qu'il enten- ; et ceux qu'il répondrait, indéfiniment et anxieusement, — lui enfin, à Paris, où de se retrouver rue du faubourg Saint- )ré, devant l'entrée de leur hôtel, fut un renouveau de sa ranoe. Il n'en avait plus franchi la porte depuis le jour où, lé par le train, il était venu là s'habiller, avant d'aller chez Qtine pour lui demander sa main. C'était la veille de la mort harles Jaubourg! Tout disait que les habitudes restaient, cette maison seigneuriale, celles qu'il avait toujours con- . Le vieux concierge le salua du seuil de sa loge, avec la e physionomie déférente et familière. Les mêmes hommes irie lançaient, du même geste, les seaux d'eau dans les oais- et sur les roues tournantes des mêmes voitures. Gamier, le re d'hôtel, qui avait l'air poudré avec ses cheveux blancs, çut au haut du perron, après que son arrivée eut été ncée du même coup de cloche, avec la même étiquette :
- (( Monsieur le marquis va bien? » demanda Landri, et son éprouva un profond soulagement, comme la veille, auprès
^espois et de Vigouroux, quand le domestique lui eut idu :
- « Mais oui, monsieur le comte, très bien. Monsieur le uis est allé hier à Grandchamp chasser avec quelques per-
ÎS. »
- « Il chasse!... » pensa le jeune homme. « C'est qu'il m sse rien d'extraordinaire! Décidément, j'étais dans le vra? veut me parler que pour les affaires d'argent... » Et, toi
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Vous lui ferez demander s'il peut me recevoir vers dix
aractère un peu cérémonieux n'était pas non plus une ité dans les rapports du père et du fils. Si la politesse ionnelle, qui est de tradition dans les familles d'ancien pparait comme une gène & de certains momens, à d'au* e se révèle comme singulièrement bienfaisante. Elle an anonymat, si nécessaire, quand on souffre! Personne, maison, ne soupçonnait qu'entre le marquis et Landri se it une de ces scènes qui marquent une date solennelle ux existences. Mais Landri lui<-même soupçonnait-il vers ixplioation il marchait, quand, à l'heure dite, il descendit ippartement pour entrer dans la bibliothèque où M. de j lui avait fait dire qu'il l'attendait? Cette grande et haute onnait de plain-pied sur le jardin, si gai, si frais en été, Bment nu et dépouillé par ce matin noir de décembre. »r de deuil convenait trop bien aux paroles qui allaient ;er là. Le marquis se tenait debout devant l'énorme ée, le dos au feu, dont la claire flambée montait autour Sri table tronc d'arbre. C'était encore une des petites
du vieux seigneur que ce chauffage d'autrefois. De- t fttre monumental, et en dépit du costume moderne, il li-mème, à cette minute, plus « ancien portrait » que
Seulement, c'était le portrait d'un homme qui traversait ires d'un effroyable martyre. Le mattre d'équipage de la ) Hez, dont Landri avait tant admiré la haute et droite tte dans le groupe des veneurs occupés à regarder la curée, nquante ans à peine, en dépit des soixante-cinq que lui t l'arbre généalogique des Claviers-Grandchamp. Le chef lie qui attendait en ce moment l'héritier de son nom, tte vaste chambre entièrement revêtue de boiseries et de était un vieillard. Son teint rouge, marbré de taches
ses paupières flétries, les plis de son front disaient les } insomnies de ces quatre semaines. L'éclat si gai de ^fonds yeux bleus ivait été remplacé par une brûlante du regard, où se devinait le supplice intime... en ce mo- Car la fierté conservée de la physionomie l'annonçait assez : ilhomme ne s'était pas rendu, et, devant tout autre té- il aurait su cacher sa blessure. Quelle blessure? Landri
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n'eut pas besoin de Tinterroger pour le savoir. Ce qu'il avait prévu s'était passé. M. de Claviers soupçonnait la vérité. Jusqu'à quel point? Averti par quels indices? Le jeune homme ramassa d'instinct toutes ses forces ^ afin d'affronter sans défaillance un entretien où son propre secret pouvait lui échapper. Il allait constater une fois de plus la supériorité de la race et quel vigou- reui, quel ferme génie elle donne à ses authentiques représen- tans. M. de Claviers était infiniment tendre et sensible, mais il était par-dessus tout viril. Le caractère, chez lui, était réellement nourri et pénétré de ces principes dont il parlait avec une ferveur qui détonnait tant parfois, môme, — surtout peut-être, — dans son milieu. Il devait, aux instans de crise suprême, manifester cette énergie du fort parti pris qui répugne à l'équivoque, et qui a comme une décision de couteau chirurgical. Lui non plus ne savait pas exactement ce que son fils, — par le nom, — con- naissait d'une situation qu'il n'avait jamais pressentie lui-même avant d'en avoir la preuve foudroyante et indiscutable. Il était en droit de penser que le jeune homme en ignorait tout. C'était de quoi justifier, pour une âme plus faible, cette tentation du silence à laquelle Landri n'aurait assurément pas échappé. Pour le marquis, un devoir dominait tout, celui de sauver, danà ce naufrage de toutes ses confiances, de toutes ses affections, ce qu'il pouvait sauver de l'honneur des Clavîers-Grandchamp. Il était le dépositaire de ce nom et il allait imposer à l'intrus sa volonté, d'ailleui's justifiée, sans s'inquiéter de rien que de cet honneur. Aussi, quand le jeune homme, à peine entré dans la chambre, eut commencé de lui parler, en faisant allusion à leur dernière rencontre, il l'arrêta court d'un mot :
— « Je ne vous ai pas fait venir, » lui dit-il, — et cette suppression du tutoiement avait dans sa bouche une rigueur singulière. Jamais, depuis son enfance, Landri ne l'avait entendu s'adresser & lui ainsi, même dans ses plus grandes sévérités, — « je ne vous ai pas fait venir pour reprendre une discussion qui, dorénavant, n'a plus d'intérêt, ni môme de raison d'être... Un événement s'est produit, depuis un mois que nous ne nous sommes vus. Il va changer pour toujours nos rapports, et du tout au tout. J'ai estimé que je me devais et que je vous devais de vous le faire connaître. Pré parez- vous à recevoir un coup trè? douloureux, comme je l'ai reçu, courageusement... »
— tf Je suis préparé, mon père, à tout accepter de vous, »
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roduit, aussi complet que la plus implacable
désirer. Landri se tenait anéanti devant celui Lom, de par la faute de la morte^ qui, de ses avait si follement tracé ces lignes. Quand il yeux, il vit que le marquis lui montrait d'un S dans la cheminée. Il y jeta les deux chiffons
d'une si meurtrière signification. Uae mi- lelques pellicules carbonisées, en train de se se, attestaient seules que ces lettres avaient le visage du jeune homme avait exprimé dans
une extraordinaire intensité de souffrance.
ne put se retenir, même à cet instant, d'en lit:
^ais accomplir la tâche qui m'incombe qu'avec averti. »
eprochez rien, monsieur, » fit Landri. « Ces en appris. Je savais tout déjà. » ; monta soudain à la face du vieillard, attes- is passionnés cette réponse inattendue soule- x bleus lancèrent des éclairs, et ses anciennes Lge lui revenant aux lèvres dans cette explo-
tout!... » s'écria-t-il. « Et tu ne m'as pas \ tout et ta conscience ne t'a pas dit : Cet 3vé, qui m'a aimé comme le plus tendre des lans son honneur d'époux. Il l'est aujourd'hui accepte de bonne foi ce legs abominable ! Il en Il va s'en servir pour payer ses dettes, pour loine! Son patrimoine! » répéta-t-il. « A tout cher cela !... Tu savais tout, et tu m'as laissé sans pousser le cri que tu me devais !... Oui, pour ce que je t'ai donné de mon cœur, pen- , pour ce que je t'en donnais encore, il y a
J'allais m'excuser de n'avoir pas pu te taire I... Et tu me trahissais, toi aussi! Tu t'étais u suprême affront! Ah! malheureux, tu es 'enfant de... »
le dans cet éclat de sa fureur, sa grande âme te barbarie : insulter une mère, fût-elle une ce d'un fils. Mais l'accès était trop fort pour poings serrés s'ouvrirent et se refermèrent
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• objet ijui se préseatait : a table, à côté d'une revue, X cette lame qui se brisa i-même par la frénésie de I accent où grondait encore
alheureux! Mais expliquez
is tû?... »
dit Landri, « et qu'il s'agis-
li simple et si poignante, il est touché dans son fond i trop longtemps et trop tte tendresse était encore ait son existence pour qu'il l esquissa un mouvement en voulait de cette faiblesse, ie mander :
cette chose? »
Ah ! ne me forcez pas de
Claviers. « A toi! à toi !...
implora plutôt le jeune la de nouveau dans le cœur 1 sur ses yeux, cette môme r la dépouille du faux ami luts de sa parole et de sa
• à lui-même. Cet entretien trop profondément. Il se
t quand il recommença de Qonçait à présent ses mot^ 3, hâtive et dure qui faisait rlocuteur, tout l'irréparable
a conversation qui doit vous noi, je vous prie, sans m'in- té de chef de la famille de portez le nom, à me consi- et des devoirs et des droits.
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Mon devoir, c'est de vous traiter officiellement comme si vous étiez mon fils... » Ses paupières s'abaissèrent de nouveau sur ses prunelles, tandis qu'il prononçait ces mots... <« Je n'y man- querai pas.. Mon droit, c'est d'exiger que vous vous confor- miez à mes décisions, pour tout ce qui touché à la défense de l'honneur de ma maison... Cet honneur est menacé. Des vilenies comme celle-là sont un signe. » Il montra de la main la place sur le bureau où tout à l'heure était l'enveloppe. Il l'y voyait toujours! « Elles prouvent que l'on a parlé et que l'on parle. Nous connaissons assez le monde, vous et moi, pour savoir que sa légèreté dépasse encore sa férocité. Nous savons aussi qu'il a, malgré tout, ses justices. Il n'est personne, je dis personne, qui puisse supposer de bonne foi que Geoffroy de Cla- viers-Grandchamp a accepté un héritage en le sachant infâme. Si donc il le garde, c'est qu'il ne croit pas que cet héritage soit infâme. C'est qu'il est persuadé que sa femme a été calomniée... Je veux, entendez-vous, je veux que l'on dise, je veux que Ton pense que M"* de Claviers a été calomniée. Par conséquent, je ne renoncerai pas à cet héritage, après que j'ai publiquement consenti à le recevoir. Ai-je besoin de vous dire que cet argent me fait horreur et que je n'en garderai rien? C'est votre argent. Je veux que vous l'ayez tout. Mais cette restitution se fera, de moi à vous. J'ai malheureusement donné des ordres déjà, que je ne peux pas révoquer sans faire causer, à l'homme de Métivier, Cauvet, le successeur de ce misérable Chaffin. Cette restitution n'aura donc lieu que dans un certain temps... D'ailleurs, ce temps m'est nécessaire pour l'exécution de mes projets. Voilà un premier point réglé entre nous, n'est-ce pas?... »
— « C'est à vous d'ordonner, » répondit Landri, <c et c'est à moi d'obéir. »
— « J'arrive au second point. Nous ne pouvons plus, je ne dis pas vivre ensemble, mais nous voir. Il faut que nous nous sépa- rions et pour toujours, en restant fidèles au programme que je vous traçais. Le motif avoué doit être de ceux que notre société puisse admettre sans chercher au delà. Il est tout trouvé, ce motif, c'est la mésalliance que vous vouliez faire et que vous ferez. Elle m'était insupportable à imaginer seulement, il y a u mois. Je vous l'ai assez montré. Aujourd'hui... » U hocha r tête avec un sourire amer. « 11 m'est horrible que la famille qr vous fonderez ainsi porte le nom de la mienne. Là, je ne pei
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le ne me permettrait même pas de faire reconnaître ailleurs, je n'ai pas le droit d'exiger que vous ne >tre vie. Je ne peux pas empêcher cela. Je ne peux pêcher d'exister. Non... Vous vous marierez donc, contre ma volonté. Vous me donnerez votre pa- is habiter la même ville que moi, de ne pas pré- Bmme dans notre monde. Je ne veux ni vous ren- L rencontrer... Attendez... » fit-il indpérieusement, ri allait répondre. « Si je n'avais pas la certitude, »ète, que l'on parle, les choses iraient toutes seules. B de rhôtel ce matin, pour n'y plus rentrer. Mais comme nous n'avons, ni vous ni moi, initié aucun os deux discussions, celle de fiez et celle de Salnt- >nce subite de ce mariage, en ce moment, pourrait m prétexte. On a beau savoir que je ne suis pas un i temps-ci, cette idée de mésalliance s'est tellement iernières années, que Ton pourrait dire, que Ton si cette occasion, il y avait autre chose. Je veux, moi, {u'une voix, «pour répondre : Non, il n'y avait pas Vous quittez Tarmée dans des conditions qui ont s sympathies autour de vous, de nous, dois-je dire, ne puissance humaine ne peut faire que nous ne 3lidaires. Il est naturel que je prenne ce moment •, pour vous entourer. Je recevrai ; nous recevrons, F'aurai la force de gard^ cette attitude, vous l'aurez rera le temps que nous pourrons, mais il faut que le iivelle de votre mariage et de notre rupture éclatera, i nous approchent disent : — Pauvre Claviers I II on fils... Je ne doute pas qu'il ne se rencontre des outer : — Quelle dupe!... On n'est pas blessable é quand on pense à l'honneur, et la seule manière défendre celui de M°*' de Claviers, c'est de paraître ï, nous sommes solidaires vraiment, d'une solida- pas un mensonge. Elle a été, elle reste ma femme, tre mère. » ous répète que je Vous obéirai en tout, » dit le
e reste à toucher deux points, » reprit le marquis. »up réfléchi, ces derniers jours, au caractère de la I vous allez épouser. Vous l'aimez. Oui, il faut que
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VOUS Taimiez beaueoup pour m'avoir parlé comme vous m'avez parlé, quand nous nous sommes vus à Saint-Mihiel. Vous voyez^ je ne méconnais pas votre affection à mon égard. Vous serez tenté de lui ouvrir votre cœur. Si elle ne mérite pas d'être aimée comme vous l'aimez, ne le faites pas; et si elle le mérite, ne le faites pas non plus. Je vous demande votre parole qu'elle ne saura jamais par vous cet affreux secret... »
— «c Je vous la donnerais, et tout de suite... » répondit Lan- dri. Puis, à voix basse, tant il redoutait un autre transport de cette fureur qu'il sentait toujours grondante. « Mais si je me laissais aller à lui dire toute la venté... je crois... que je ne lui apprendrais rien... »
— « Tu lui as déjà parlé I » menaça M. de Claviers. « Avoue** le... Âh! si tu aâ fait cela... »
— « Je ne l'ai pas fait, » protesta Landri, et des larmes au bord des yeux : « Je vous en supplie, ne croyez jamais que j'aie pu agir autrement que vous ne me l'avez enseigné par toute votre vie, que vous ne me l'enseignez encore, à ce moment. Je vous dirai tout. Vous me jugerez après... » Et il commença de raconter le premier indice, cette soudaine imploration de ne pas monter, en retournant de Paris à Grandchamp, chez le malade de la rue de Solférino, et comment, après la visite chez Jau<« bourg et la révélation, il s'était dit : M""* Olier sait tout, — et dans quelle fièvre il était arrivé chez elle, et l'horreur qu'il avait eue de parler, et son silence à elle devant sa douleur, et cette douleur, et leurs fiançailles dans ces instans de suprême émotion; — la lettre ensuite qu'il avait reçue d'elle aussitôt après l'affaire de Hugueville, et les autres où elle n'avait plus fait une seule allu^ sion à M. de Claviers. Celui-ci écoutait cette confession, avec une physionomie immobile où passait pourtant comme un étoa- nement. Jamais Landri, alors qu'il se croyait son fils, ne lui avait parlé avec cette ouverture du cœur. Jamais il n'avait osé montrer ii son p^e cette sensibilité charmante et frémissante, si effrénée et si délicate, si vulnérable et si aimante. Il se découvrait tout entier dans la vérité de sa fine et tendre nature, au moment où le mai*quis et lui échangeaient les paroles de la dernière explica- tion. Que pourraient-ils se dire dorénavant? M. de Claviers sen- tait cela par-dessus tout le reste. Sa vieille tendresse pour cet enfant s'émouvait de nouveau, et plus elle remontait en lui, plus il se roidissait contre elle. Et puis, à travers ce récit, il entre-
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voyait la délicieuse âme de Vaientine, et ce lui était une in- exprimable amertume de se rappeler d'autres fiançailles,